Froid à 19°C ? Pourquoi nos ancêtres trouvaient ça confortable
Si votre thermostat affiche 19 °C et que vous grelotez déjà, rappelez-vous qu’à une autre époque, cette température aurait été vue comme un petit luxe, voire carrément excessif ! Plongée dans le passé, où l’on s’accommodait fort bien d’un quotidien que nous qualifierions aujourd’hui de « frisquet ».
Le froid : une histoire de normes et d’habitudes
Première surprise : la notion même de « confort thermique » est une construction sociale. L’historien Olivier Jandot, dans son livre Les délices du feu, rapporte qu’au XVIIIe siècle, un médecin recommandait que la température des chambres oscille entre 12,5 et 15 °C. Mais ce type de conseil ne s’impose vraiment qu’à partir du XIXe siècle. Avant la diffusion du thermomètre, il faut l’avouer, mesurer précisément la température relevait plus de l’art divinatoire que de la science exacte !
Le quotidien d’une personne autour de 1900 variait selon la région, la classe sociale ou la profession, mais partout, les chambres sans chauffage étaient la règle, et il était courant de réaliser ses devoirs près de la cuisinière, avec, pour unique arme contre la fraîcheur, une humble bouillotte et un bonnet de nuit (si tant est que ce dernier existât vraiment…).
Pascal Acot, chercheur et historien du climat, le confirme : « Nous sommes aujourd’hui plus sensibles au froid qu’autrefois. Les variations climatiques nous semblent anormales car notre environnement s’est artificialisé. Il y a seulement cinquante ans, dans les campagnes françaises, les chambres n’étaient pas chauffées. »
Comment fait-on pour supporter 15 °C dans son salon ?
Pas besoin d’être un super-héros pour rester stoïque à 15 °C, mais tout de même, ça demande un petit coup de pouce vestimentaire. Durant des siècles, on n’hésitait pas à s’emmitoufler, même à l’intérieur :
- Vestes matelassées, robes de chambre, chaussettes épaisses… et le fameux col roulé remis à l’honneur ces dernières années.
- Bossuet n’hésitait d’ailleurs pas à écrire la nuit avec deux vestes sur le dos et les pieds dans une peau d’ours : qui a dit qu’on n’invente rien ?
- On pratiquait le système des « enveloppes concentriques » (c’est classe pour dire « mille couches »), où même le papier journal pouvait avoir son utilité sous les vêtements.
- Le pyjama intégral a longtemps eu la cote, jusqu’à l’arrivée du chauffage central.
Mais ne misons pas tout sur le dressing ! Les habitations étaient elles-mêmes conçues pour préserver chaque parcelle de chaleur. Alcôves, tentures et regroupement de toute la famille (voire des bêtes) dans la même pièce s’avéraient des stratégies courantes pour lutter contre la morsure du froid. Les microchocs thermiques, provoqués par des différences de températures d’une pièce à l’autre, étaient même considérés comme bénéfiques à la santé par les manuels de savoir-vivre.
Du feu de cheminée aux slogans radiateurs : la quête du « petit Midi » chez soi
Jusqu’au tournant du XVIIIe–XIXe siècle, la cheminée était la star incontestée du logement français. On chauffait les corps, pas les pièces : plus on s’éloignait des flammes, plus le froid reprenait le dessus. Appareils portatifs, chaufferettes et bassinoires en cuivre venaient renforcer l’arsenal anti-frissons (attention tout de même à ne pas transformer le lit en brasero !). Il n’était pas rare qu’il gèle dans les chambres ! Rien d’étonnant, donc, à ce que tout ce qui pouvait conserver la chaleur soit systématiquement employé.
Et niveau dépenses, ce confort avait un prix non négligeable. Par exemple, la part du budget vestimentaire tournait autour de 11 à 13 % pour un ménage d’ouvrier ou d’instituteur vers 1900, contre une estimation de 2,6 % aujourd’hui (en Suisse). Les coûts de chauffage et d’éclairage pouvaient grimper à 31 % du budget pour certains ménages ! Sacrée différence avec notre habitude actuelle…
Ce n’est qu’avec les Trente Glorieuses et la promotion du « printemps perpétuel chez soi » que les attentes ont changé : vivre en t-shirt toute l’année devient le symbole de la modernité. Pourtant, pour nos ancêtres, une température intérieure de 19 ou 20 °C aurait eu de quoi faire tourner les têtes… de chaleur !
Conclusion : de la résilience à la dépendance au confort moderne
Finalement, si aujourd’hui nous frissonnons à moins de 20 °C, n’oublions pas que pendant longtemps, corps, vêtements et maisons étaient adaptés à l’épreuve du froid. Il s’agit, comme le résume Olivier Jandot, d’une construction sociale forgée au fil des hivers. Et peut-être qu’en ressortant nos vieilles robes de chambre et quelques astuces héritées du passé, 19 °C nous semblera (presque) le début du printemps !
