D’aussi loin que je me souvienne, c’est à dire sur le banc de CE2, je me suis comparée aux autres filles. À l’époque, c’était à celle qui se trouvait deux places sur la droite. Comme par hasard, elle avait les cheveux plus longs et plus blonds que les miens et elle attirait l’attention de Nicolas, tu sais, ce Nicolas qui n’aurait dû avoir d’yeux que pour moi.
Tu me vois venir avec mes gros sabots (alors que j’ai tanné mes parents tout ce fameux CE2 pour porter des souliers vernis que remarquerait forcément Nicolas). Je n’avais pas neuf ans que j’avais déjà bien saisi les ressorts de la comparaison. La comparaison n’était jamais très loin de l’envie, elle même toute proche de la jalousie.
Peu soucieuse de me frotter à l’un des sept péchés capitaux (j’éprouvais déjà de la colère envers Nicolas qui n’avait pas vu mes chaussures vernies, alors foutu pour foutu), j’ai donc continué à me comparer aux autres filles. Bien sûr, pas à n’importe lesquelles. Celles qui retenaient MON attention étaient celles qui retenaient L’attention. Comprenez les plus jolies, les plus sportives, les plus talentueuses. Dans ce contexte de plus, je ne pouvais être que moins.
Parce qu’on peut toujours trouver à l’autre des qualités que l’on n’a pas
- Tu n’as qu’à voir ma voisine, athlète de haut niveau et sa collection de médailles sur son étagère.
- Ma collègue, son sens de l’anticipation et son travail prêt deux semaines en amont.
- Ma copine Marie, voyageuse invétérée, capable d’arpenter le désert avec un groupe d’inconnus.
- Ma copine Julie, mère dévouée de quatre garçons, une patience aussi grande que son nombre d’enfants.
- Mon amie Hélène, son impressionnante bibliothèque et sa non moins impressionnante quantité de livres lus en une année.
- Ma sœur, de dix ans ma cadette et autant de rides en moins, perchée sur ses jambes fines de dix kilomètres.
- Ma mère, ses talents de cuisinière, de couturière et son incroyable sens de l’organisation.
- Caroline Receveur et son ombré hair toujours impeccable.
En parlant réseaux sociaux, il y a justement cet Instagram où tout le monde a l’air plus beau, plus riche et plus photogénique que moi. Cet Instagram où l’on m’envoyait hier ce message privé si flatteur : « Tout est joli chez toi. Ta maison, ta plume, ta personne ».
Me rappelant -et nous rappelant- que tout n’est qu’une question de point de vue : nous sommes tous l’être exceptionnel de quelqu’un.